Interview Re-Belle
L’association Re-Belle refuse le gaspillage alimentaire
J’ai eu le grand plaisir d’échanger avec Elodie, responsable Communication & Recherche de financements chez Re-Belle. Elle m’a présenté en détail cette association que nous avions référencé en Mars 2021 et qui offre une seconde vie aux fruits et légumes écartés des circuits de distribution.
C’est une très belle initiative car les chiffres du gaspillage alimentaire sont vertigineux !! Un tiers de la production comestible est perdue sur la planète ; et rien qu’en France, 10 millions de tonnes de nourriture sont perdues ou gaspillées tout au long de la chaine alimentaire. Chaque acteur est concerné car les pertes se produisent pour 32% au stade de la production, 21% au stade de la transformation / conditionnement, 14% au stade de la distribution, et 33% au stade de la consommation.



Re-Belle se concentre sur les pertes au niveau de la distribution et de la production, en proposant aux agriculteurs urbains de transformer leurs surplus. Sur le créneau de la distribution, Re-Belle récolte chaque semaine dans une douzaine de magasins et entrepôts Monoprix de la région parisienne, 1 tonne de fruits en moyenne pour produire 2 000 pots de confitures. Si ces fruits ne sont pas collectés par Re-Belle, dans le meilleur des cas ils sont redistribués à des associations, mais la chaine de récupération / distribution doit être rapide et efficace car un fruit s’abime très vite. Dans le pire des cas, ils finissent à la poubelle (désormais interdit par la Loi Garot, mais en pratique, il est difficile de savoir ce qui est respecté…).
On pourrait considérer que c’est une goutte dans l’océan du gaspillage, mais une goutte très efficace au niveau de son territoire car Re-Belle, ne donne pas qu’aux fruits une seconde chance…
La genèse de Re-Belle
L’idée de Re-Belle a germé en 2014 dans la tête de Adeline et Colette, toutes les deux membres de la Disco Soupe, un mouvement solidaire et festif qui s’approprie l’espace public et le rebut alimentaire pour sensibiliser au gaspillage alimentaire, et de baluchon, le traiteur solidaire qui à travers la préparation de petits plats cuisinés ensemble propose à des personnes éloignées de l’emploi de se réapproprier leur destin économique et social.
Mais Re-Belle a vraiment pris son envol en 2017 en obtenant la même année le statut d’association et d’atelier chantier d’insertion sur la commune d’Aubervilliers. Car comme je vous le disais en introduction, il n’y a pas qu’aux fruits que Re-Belle offre une seconde vie, elle offre également une seconde chance à des femmes éloignées de l’emploi et les accompagnent vers de nouveaux métiers autour de la préparation de confitures.
Comment se passe la journée type d’un fruit chez Re-Belle
L’organisation chez Re-Belle est bien rodée. Du lundi au vendredi, une petite équipe de Re-Belle part collecter les fruits dans les grandes surfaces partenaires. Il faut faire vite car nos petits fruits retirés des rayons n’ont pas toujours la priorité dans les espaces frais de stockage des grandes surfaces ! Ils sont ensuite acheminés jusqu’au laboratoire – cuisine où ils sont triés en fonction de leur état. Pour ceux qui ne sont pas exploitables en confiture, Re-Belle a passé un partenariat avec Moulinot pour les utiliser en bio déchets. Les fruits comestibles sont triés par type de fruits, lavés, coupés à la main, mélangés aux sucres et aux épices, et enfin cuits en bonne confiture avant d’être mis en pots.
Quelques chiffres
Re-Belle emploie 28 personnes : 12 salariés permanents, dont 2 apprentis et un stagiaire, et 16 personnes en insertion. Les deux fondatrices historiques ont rejoint leur région d’origine (où elles mènent de nouveaux projets sociaux), mais elles sont toujours membres actives de l’association en tant que membres du conseil d’administration.
Chaque semaine Re-Belle produit de 1500 à 2000 pots de confitures par suivant une trentaine de recettes, et sauvent 500 kg de fruits sur la tonne récoltée.
L’association est subventionnée à hauteur de 70% par l’état et le mécènat, et vise de n’être plus qu’à 50% de subventions d’ici 3 ans.
Les métiers pour faire tourner une structure comme Re-Belle
Il y a de nombreuses compétences chez Re-Belle. Essentiellement honorées par de jeunes femmes à date … Pour les personnes en insertion c’est un choix, une volonté ; pour les salariés, je pourrais tomber dans les clichés et dire que les femmes ont une fibre sociale plus développée, sont moins mercantiles, plus intéressées pour sauver notre planète et aider son prochain … Mais l’aventure de mes chouchous Jeremy et Xavier de Moi Moche et Bon (les jus responsables) me prouve le contraire, donc nous allons dire que c’est un hasard. D’ailleurs la dernière recrue de Re-Belle est masculine. Bienvenue chez Re-Belle Daoud !
Pour tenir une association comme Re-Belle, il faut :
- Assurer la chaine de production pour réaliser les confitures ;
- Gérer la chaine logistique pour collecter les fruits et livrer les produits finis ;
- Encadrer la production et les fonctions techniques ;
- Diversifier les sources d’approvisionnement et gérer les surplus de production ;
- Assurer l’accompagnement socio professionnel des salariés ;
- Développer la partie commerciale et marketing ;
- Rechercher de nouveaux financements et partenariats et assurer la communication ;
- Elaborer de nouvelles recettes car il faut s’avoir sans cesse se diversifier en fonction des fruits disponibles ;
- Mener des actions de sensibilisation auprès des quartiers prioritaires du 93 ;
- Animer les fonctions administratives et financières ;
- Et bien sûr diriger l’association.
Re-Belle demain …
Re-Belle souhaite varier sa production et doubler le nombre de personnes accompagnées. Mais les locaux d’Aubervilliers étant devenus trop petits pour les ambitions et la croissance de l’association, Re-Belle vient de déménager à Stains, où le taux de chômage est encore plus élevé qu’à Aubervilliers.
En passant de 100 m² à 500 m², l’association va bénéficier d’un laboratoire de cuisson beaucoup plus grand et pouvoir développer de nouveaux produits comme des soupes, des sauces et des compotes. Car le marché de la confiture est déjà un peu saturé, et Re Belle doit s’adapter et se diversifier.
Où trouver les confitures Rebelle
Re-Belle ne fait pas de vente en ligne car la confiture est un produit lourd et fragile et les frais de port seraient trop élevés.
Les confitures (et Chutneys, j’ai failli oublier d’en parler !) Re-Belle sont donc essentiellement vendus chez Monoprix (partenaire historique de l’association), et chez une bonne quarantaine de vendeurs indépendants qui permettent de créer un lien précieux et fidèles avec le client. L’association a également un partenariat avec la chaine d’hôtels IBIS Styles qui propose la confiture Re-Belle sur ses buffets de petits déjeuners (et qui fournit également l’association en matière première pour les confitures. Une belle boucle vertueuse).

Re-Belle n’a pas la volonté de s’étendre directement sur tout le territoire, mais envisage plutôt une logique d’essaimage, en proposant un accompagnement à des porteurs de projet souhaitant initier cette démarche dans d’autres régions, car le gaspillage alimentaire existe partout, tout comme le besoin d’accompagnement social. Il existe d’ailleurs déjà quelques initiatives similaires, comme par exemple J’aime Boc’oh près de Chambery, qui en plus de son atelier chantier d’insertion propose une activité de traiteur.
Bonne dégustation !
Delphine


